La fouille de Nempont-Saint-Firmin « Rue du Warnier, parcelle 148 » s’est déroulée entre juin 2009 et janvier 2010, préalablement à l’aménagement d’une zone pavillonnaire. Cette opération d’archéologie préventive couvre 9000 m². Suite à plusieurs phases de décapage, un peu moins de 300 faits archéologiques, dont 89 tombes tardo-antiques, ont été mis en évidence. La découverte inattendue de cette importante zone funéraire à quelques jours du terme théorique de la fouille a contraint le responsable d’opération et le Service Régional du Nord-Pas-de-Calais à déclencher une procédure de découverte exceptionnelle.
L’opération a mis au jour plusieurs occupations s’égrainant entre la Protohistoire récente et la période contemporaine. Seules les phases les plus anciennes sont abordées dans le cadre de cette notice.
Phase I : une occupation laconique du second âge du Fer
La Protohistoire est représentée par une modeste occupation du second âge du Fer. Un enclos quadrangulaire, largement arasé et apparemment vide d’aménagement, en est le vestige principal. Quelques fosses et des tronçons de fossés constituent les autres structures de cette période. La quasi absence de mobilier dans leur comblement ne permet ni de déterminer la nature de l’occupation, ni d’avancer une datation plus précise.
Un fossé circulaire, dont le tracé n’a pas été observé dans sa totalité et qui se situe dans l’extrémité orientale de la parcelle, pourrait aussi être associé à la Protohistoire. Cependant, sa contemporanéité avec les vestiges attribués au second âge du fer n’est pas établie. Sa forme et le caractère lessivé de son comblement qui est totalement dénué de matière organique suggèrent une structure peut-être plus ancienne mais les éléments datants font défaut. Il est tentant d’interpréter ce vestige comme un monument funéraire de l’âge du Bronze, structure dont le caractère attractif pour des ensembles sépulcraux plus tardifs est fréquemment constaté.
Phase II : un bourg de pêcheurs de l’extrême fin du IIIe s. - orée du IVe s. apr. J. -C.
La première phase d’occupation antique consiste en divers aménagements – bâtiment sur poteaux, fosses, puits – structurés autour d’une voie. Le nombre limité de vestiges résulte d’une position qui ne peut être que périphérique par rapport au cœur du gisement archéologique. Néanmoins, les rejets sont abondants et plusieurs milliers de tessons de céramiques (pas moins de 7000 pour la seule fosse-dépotoir 1004) ont été collectés pour un NMI de 831 formes. L’artisanat n’est pas absent de cette occupation et un petit atelier de forge est attesté par ses déchets. De même, la pêche semble dépasser le simple cadre domestique car la taille de certains poissons de mer, qui avoisinent près de 1,30 m d’envergure pour plus de 10 kg, présume de la disposition d’un équipement adapté. Le nombre de rejets d’ichtyofaune, les restes d’éviscération et le matériel de pêche collecté sur le site confirment l’exploitation des ressources marines. Un bourg de pêcheur peut être envisagé. Ce constat induit l’existence d’une flotte, quelques bateaux tout au plus, peut-être en contre-bas dans l’estuaire. Cette hypothèse devra être confirmée par des prospections et des carottages supplémentaires en baie d’Authie afin de vérifier la navigabilité du cours d’eau. Cela semble ne faire aucun doute à l’image de sa voisine la Canche.
Cette occupation est économiquement modeste et elle se sustente majoritairement de productions locales, telles des poteries de l’atelier de la Calotterie ou des vases en verre type barillet produits très certainement à cette date entre Normandie et Picardie. Le monnayage est totalement absent, à l’exception d’un potin des Ambiens, peut-être réintroduit dans la circulation monétaire du fait de sa ressemblance avec certaines frappes frustres à l’effigie de Tétricus.
Phase III : un établissement remarquable du courant IVe s./ début Ve s. apr. J. -C.
La seconde phase d’occupation antique se situe entre 330/335 et 410/420. Elle est essentiellement représentée par une nécropole en activité sur toute la période et par un dépotoir dont la formation est datée de la fin de l’occupation du site vers 390-410, peut-être même vers 410/420 si l'on s’en tient à la structure monétaire. Il est pourtant représentatif d’une accumulation de mobilier relevant d’une occupation entre le IVe et le début début Ve s. Une nouvelle fois, il s’agit de la périphérie du gisement.
Cette occupation tranche littéralement par rapport à la précédente. Les rejets de consommation et d’artisanat sont encore plus massifs : environ 10 000 tessons de céramiques pour le seul dépotoir 1001, des milliers d’ossements d’animaux dont une part significative de jeunes animaux, plus de 300 monnaies et 800 petits objets en matériaux divers. L’artisanat est diversifié et sont seulement cités un atelier de forge ainsi qu’une activité bouchère en raison de leur importance présumée. Parmi les 89 tombes fouillées, nombre d’entre-elles s’illustrent par leur opulence : architecture funéraire soignée, dépôts multiples liés au repas funéraire dont des vases d’exception, parure, instrument de musique... Certains individus masculins se distinguent car ils sont accompagnés d’une fibule cruciforme ou d’éléments du cingulum militiae, apanages des fonctionnaires civils et militaires. D’autres sont accompagnés d’une arme, telle une hache ou dans un cas, un prestigieux fer de lance damasquiné. Parfois, seule la partie symbolique de celle-ci est déposée (talon de lance). Le vaisselier témoigne de la diversification des lieux d’approvisionnement et de l’attractivité du site : importations de l’est de la Gaule, de la vallée rhénane, du sud de l’Angleterre, de la Baltique.
Le recrutement populationnel indique la coexistence d’individus de sexe et d’âge variés en relative bonne santé. Le déficit des individus immatures est classique. Par contre, celui des jeunes adultes et ceux d’un âge avancé sont très certainement à mettre en relation avec le mauvais état de conservation des squelettes et des méthodes subsidiaires appliquées à la détermination des âges au décès. Deux groupes familiaux sont attestés, d’autres pressentis mais la validité de la démarche anthropo-biologique pourrait se voir contestée pour ces derniers dans les années à venir. Par ailleurs, nombre d’individus ne partagent pas les mêmes caractères discrets.
La découverte de cet établissement tout à fait remarquable renouvelle profondément les connaissances du patrimoine archéologique en baie d’Authie. Elle ouvre la voie à de nouvelles perspectives de recherches tant dans le domaine de l’économie des occupations littorales, de leur population, des voies de circulation et de la topographie militaire car, en effet, Nempont joue très certainement un rôle dans l’organisation défensive du litus saxonicum.
La phase IV : une sépulture isolée du haut Moyen Âge (VIIe - VIIIe s.)
L’espace occupé par la nécropole tardo-antique est faiblement réinvesti aux VIIe - VIIIe s. La seule structure de cette période est une sépulture datée par radiocarbone entre 660 et 780 (taux de probabilité : 95 % +/- 30 AD). L’établissement qui pourrait lui être associé ne nous est pas parvenu. Notons toutefois qu’un objet à décor zoomorphe avec incrustation de verroterie, datant a priori de la même période, aurait été récolté dans une parcelle limitrophe à la fouille. Un sceat de type anglo-saxon émis au début du VIIIe s. et attribué à Quentovic fait également partie des découvertes communales. Une activité monétaire d’époque mérovingienne est d’ailleurs attribuée à Nampont-Saint-Martin (village adjacent) qui aurait émis, entre 585 et 675, des tremisses à la légende MONTINIACO.
La phase V : fin du Xe – début du XIe s.
À la fin du Xe – début XIe s., une nouvelle occupation voit le jour. Les aménagements sont peu nombreux. Ils consistent en un espace clos par un double fossé à l’intérieur duquel sont aménagés deux bâtiments et quelques structures en creux. L’établissement est relativement modeste et l’indigence du mobilier ne permet pas de définir la nature même de cette occupation. D’autres vestiges de cette période sont attendus dans le village car Nempont est un lieu de franchissement de l’Authie qui fait d’ailleurs l’objet d’un tonlieu.
Samuel LELARGE, Responsable d'opération
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